
A la gare de Lorient, j’ai sympathisé avec Dimitri, une tête connue de LEA1 qui revenait tout droit d’un séjour Erasmus à Barcelone. Accompagnés d’Anna, nous avons rejoint Guillaume à l’aéroport de Berlin. (Tegel) S’en est suivie une soirée mémorable, premièrement dans le centre ville, où j’étais submergé de souvenirs de Novembre 2008, quand je l’avais visité avec les étudiants Erasmus de Rostock. Armé de mon appareil photo, la ville, montrant ses plus belles lumières, était à moi pour la nuit. Le sentiment d’être perdu, innocent et vulnérable rendait Berlin davantage sublime et sauvage. Dans les quartiers miteux, moi et Guillaume sommes rentrés dans un bar à matelots. La curiosité et la moquerie se mélangeaient au rire, jusqu'à ce que l’horreur, finalement, nous fasse quitter le bar en courant. Le lendemain matin, nous sommes partis à la conquête du Berlin touristique, trimbalant nos sacs de voyages sur plusieurs kilomètres. Nous sommes arrivés à Magdeburg complètement épuisés.
A l’auberge de jeunesse, nous avons commencé à discuter brièvement avec les filles tchèques devant la porte d’entrée où elles fumaient leur cigarettes fines, en leur proposant de boire un coup au bar d’en face, mais nous leur avons posé un lapin en préférant suivre Guillaume jusqu’au Coco voir Michaela et Tobias, deux de ses amis. Dimitri, ayant choisi le lit à deux places, fut bien surpris de constater qu’il aurait à le partager avec un espagnol prénommé Ignacio, un Galicien qui aura été comme un grand frère durant ces deux semaines. C’est la que Guillaume intervient, lui et sa sympathie, en proposant immédiatement au nouveau colocataire de boire le pot de l’amitié.
Le lendemain matin, nous avions cours à la Fachhochschule de l’autre coté de la ville. Pendant le voyage en tram, je maudissais presque déjà ma venue ici, découvrant ébahi une ville morte dénouée de toutes les beautés architecturales qu’avait offert à mes yeux la ville de Rostock. Cependant, la ville de Ludwigshafen où j’avais passé l’été, n’était guère mieux, mais par le plus grand des hasards, cet épisode m’était sorti de la tête.
Durant les premiers jours, nous avons tout de suite fait la connaissance des espagnoles, dont le charme ne m’avait pas laissé indifférent. Ainsi, chaque soir, nous jonglions nos soirées entre les différentes nationalités. Dasha, la belle et timide étudiante tchèque que je dessinais le matin même, s’approche de moi, les yeux écarquillés pour me parler de sa passion pour la peinture et le dessin. En me montrant quelques uns de ses tableaux, je compris vite que j’avais en face de moi une véritable artiste d’un talent incommensurable. Très vite, moi et Guillaume sommes devenus les véritables moteurs de nos soirées à Magdeburg. Après chaque conférence, nous allions aborder les espagnoles, lettones et les tchèques pour leur proposer de boire un verre en ville. C’est de cette façon que nous avons passé notre première soirée tous ensemble au Stern, affalés sur d’énormes canapés moelleux, moi sirotant fidèlement des White Russian. Dans cet autre univers où j’avais décidé d’être l’ami honnête et moqueur au grand dam de Dimitri, je me laissais aller aux sentiments légèrement amoureux pour Paloma. Notre différence d’âge ne fut qu’une simple barrière à franchir. Toujours Guillaume et moi, cherchions pas à nous rendre virils et puissant, mais au contraire, opter pour le coté simple et comique voire infantile. Nous excellions dans ce domaine, quitte à se rendre ridicule la fois où nous avions acheté des pistolets à billes. La première semaine s’est passé bien trop vite qu’il fallut rattraper le temps perdu pendant la seconde semaine. Sortant du Stern avec les tchèques éméchées, sous la neige qui n’arrêtait pas de tomber, toujours plus épaisse, je m’aperçu, levant les yeux vers le ciel orangé que je passais ici des moments inoubliables et qu’il fallait profiter à fond de cette dernière semaine et que ni la peur d’une frustration amoureuse comme Dimitri venait de faire les frais, ni même le profond ennui des conférences et des cours de traduction ne saurait à jamais m’en empêcher.
Dans le train pour Quedlinburg le lendemain matin, les gants encore pleins de neige, repensant à la nuit d’ivresse de la veille, un sourire vient se peindre sur mon visage ; une impression de vacances. Je commence à me rapprocher de Paloma, la guidant durant la visite de la ville, me montrant à la fois taquin, à la fois aimable. Même le meilleur des appareils photos n’arriverait pas à capter la beauté de son visage, que son charme fait immédiatement oublier. Je crois que je suis tombé amoureux.
Cependant, le temps jouait contre moi. Les jours défilaient, se ressemblaient et j’en pris conscience en marchant seul, sur ce lac gelé où moi uniquement avait osé poser les pieds dessus. Quel sentiment de solitude et de liberté. Sentiment de déjà vu, lorsque je m’allongeais l’année passée sur ce lac tout près de mon appartement sur la baltique. Le ciel était ensoleillé, le craquement de la neige sous mes pieds m’accompagnant dans ce rêve comme la seule et unique musique dans ce glacial désert de silence. Certes, je me laissais parfois sombrer dans la mélancolie, ou était-ce l’abandon, m’accrochant à quelques notes de Beethoven ou Chopin pour aider à évacuer ma tristesse. Boire était devenu un véritable réflexe. Se coucher sobre m’aurait empêché de fermer l’œil. Au fur et à mesure que les soirées se déroulaient dans la chambre 406, un amas important de bouteilles vide nous empêchait, nous, locataires de poser un pied devant l’autre. Guillaume s’étant trouvé son âme sœur lui aussi, nos discussions ne portaient que sur un seul sujet, qui pouvait nous faire fantasmer, tout comme nous mettre en état de déchéance, comme ce jour, ou Cristina est partie, et que j’ai réalisé qu’il ne restait encore qu’une seule journée avant que tout le monde quitte à son tour la ville pour regagner leur pays respectifs. Quel choc. Comment avais-je pu croire que ce séjour durerait à jamais ?
Pour fêter la fin du programme intensif, les professeurs organisèrent une remise du certificat. Beaucoup d’applaudissements, de photos, de sourires. Ce soir ci, je m’étais définitivement rendu à l’évidence que le lendemain matin, Dimitri, Guillaume et moi, nous serions les seuls rescapés du bateau Jugendherberge. Je n’avais plus de motivation, que ce soit physiques ou spirituelles. J’étais inconsolable. Les bières que je vidais ne me soulaient même pas. Je décidai donc d’aller m’assoupir sur mon lit, en repensant aux bon moments de ce séjour, n’ayant définitivement pas le cœur à fêter jusqu’au petit matin le départ des lettones, tchèques et espagnoles, la fatigue d’un mois de voyage se faisant ressentir en même temps qu’un énorme flot de remords et de regrets. A ma grande surprise, Paloma vient s’assoir à coté de moi. Dans un ultime acte d’affection, nous entamons un câlin, puis peu à peu, sa respiration se fait plus forte. Ses lèvres frôlent mon visage. On s’embrasse. Plus tard, l’idée me vient de sortir dehors, histoire de profiter une toute dernière fois de l’ambiance de cette ville qui nous avait bercé pendant deux semaines. Main dans la main, nous nous sommes promenés au pied de la cathédrale, en passant par la Grüne Citadelle. Je pouvais sentir qu’elle était heureuse. Seulement, au fond, tous deux savions que ce ne durerait pas. La fin approchait, et il fallait profiter jusqu’au moindre instant. Alors, on s’est posé, dans la neige, moi, bénissant secrètement le fait qu’on se soit rencontrés. Puis de retour à la 406, nous nous sommes endormis, la lumière filtrée par la mince couverture lui donnait l’air d’un ange. La fatigue avait pris le dessus sur nous deux. Dimitri me réveilla, il était encore nuit, mais déjà l’heure de descendre partager un dernier petit-déjeuner puis enfin un dernier baiser avec Paloma, devant son train.
Finalement, je ne sais toujours pas si le bonheur d’avoir pu passer ces magnifiques moments avec elle a réussi à vaincre cet intolérable sentiment de privation qu’a été son départ si soudain. Après ceci, la porte de l’ascenseur s’est ouverte, coupant mon reflet en deux parties, et me laissant apercevoir un long couloir vide, jadis animé par le bruit de chocs virils de bouteilles de vodka venant de la chambre des roumains, par les chansonnettes de Cristina en passant devant la chambre des espagnoles, des cris et exclamations provenant de celle des tchèques et encore les rires s’échappant de la chambre lettone.J’ai passé cette journée ci à dormir de tout mon épuisement, le visage enfoui dans mes bras, dans la nouvelle chambre que l’auberge nous avait assigné. J’avais oublié à quel point il est dur de dire au revoir. Au dessus des nuages crémeux, le soleil contre ma joue, un cocktail à la main, je me promets solennellement de ne plus jamais retourner dans cette ville, car ce ne sera jamais aussi bien. Nie Wieder !

A l’auberge de jeunesse, nous avons commencé à discuter brièvement avec les filles tchèques devant la porte d’entrée où elles fumaient leur cigarettes fines, en leur proposant de boire un coup au bar d’en face, mais nous leur avons posé un lapin en préférant suivre Guillaume jusqu’au Coco voir Michaela et Tobias, deux de ses amis. Dimitri, ayant choisi le lit à deux places, fut bien surpris de constater qu’il aurait à le partager avec un espagnol prénommé Ignacio, un Galicien qui aura été comme un grand frère durant ces deux semaines. C’est la que Guillaume intervient, lui et sa sympathie, en proposant immédiatement au nouveau colocataire de boire le pot de l’amitié.
Le lendemain matin, nous avions cours à la Fachhochschule de l’autre coté de la ville. Pendant le voyage en tram, je maudissais presque déjà ma venue ici, découvrant ébahi une ville morte dénouée de toutes les beautés architecturales qu’avait offert à mes yeux la ville de Rostock. Cependant, la ville de Ludwigshafen où j’avais passé l’été, n’était guère mieux, mais par le plus grand des hasards, cet épisode m’était sorti de la tête.
Durant les premiers jours, nous avons tout de suite fait la connaissance des espagnoles, dont le charme ne m’avait pas laissé indifférent. Ainsi, chaque soir, nous jonglions nos soirées entre les différentes nationalités. Dasha, la belle et timide étudiante tchèque que je dessinais le matin même, s’approche de moi, les yeux écarquillés pour me parler de sa passion pour la peinture et le dessin. En me montrant quelques uns de ses tableaux, je compris vite que j’avais en face de moi une véritable artiste d’un talent incommensurable. Très vite, moi et Guillaume sommes devenus les véritables moteurs de nos soirées à Magdeburg. Après chaque conférence, nous allions aborder les espagnoles, lettones et les tchèques pour leur proposer de boire un verre en ville. C’est de cette façon que nous avons passé notre première soirée tous ensemble au Stern, affalés sur d’énormes canapés moelleux, moi sirotant fidèlement des White Russian. Dans cet autre univers où j’avais décidé d’être l’ami honnête et moqueur au grand dam de Dimitri, je me laissais aller aux sentiments légèrement amoureux pour Paloma. Notre différence d’âge ne fut qu’une simple barrière à franchir. Toujours Guillaume et moi, cherchions pas à nous rendre virils et puissant, mais au contraire, opter pour le coté simple et comique voire infantile. Nous excellions dans ce domaine, quitte à se rendre ridicule la fois où nous avions acheté des pistolets à billes. La première semaine s’est passé bien trop vite qu’il fallut rattraper le temps perdu pendant la seconde semaine. Sortant du Stern avec les tchèques éméchées, sous la neige qui n’arrêtait pas de tomber, toujours plus épaisse, je m’aperçu, levant les yeux vers le ciel orangé que je passais ici des moments inoubliables et qu’il fallait profiter à fond de cette dernière semaine et que ni la peur d’une frustration amoureuse comme Dimitri venait de faire les frais, ni même le profond ennui des conférences et des cours de traduction ne saurait à jamais m’en empêcher.
Dans le train pour Quedlinburg le lendemain matin, les gants encore pleins de neige, repensant à la nuit d’ivresse de la veille, un sourire vient se peindre sur mon visage ; une impression de vacances. Je commence à me rapprocher de Paloma, la guidant durant la visite de la ville, me montrant à la fois taquin, à la fois aimable. Même le meilleur des appareils photos n’arriverait pas à capter la beauté de son visage, que son charme fait immédiatement oublier. Je crois que je suis tombé amoureux.
Cependant, le temps jouait contre moi. Les jours défilaient, se ressemblaient et j’en pris conscience en marchant seul, sur ce lac gelé où moi uniquement avait osé poser les pieds dessus. Quel sentiment de solitude et de liberté. Sentiment de déjà vu, lorsque je m’allongeais l’année passée sur ce lac tout près de mon appartement sur la baltique. Le ciel était ensoleillé, le craquement de la neige sous mes pieds m’accompagnant dans ce rêve comme la seule et unique musique dans ce glacial désert de silence. Certes, je me laissais parfois sombrer dans la mélancolie, ou était-ce l’abandon, m’accrochant à quelques notes de Beethoven ou Chopin pour aider à évacuer ma tristesse. Boire était devenu un véritable réflexe. Se coucher sobre m’aurait empêché de fermer l’œil. Au fur et à mesure que les soirées se déroulaient dans la chambre 406, un amas important de bouteilles vide nous empêchait, nous, locataires de poser un pied devant l’autre. Guillaume s’étant trouvé son âme sœur lui aussi, nos discussions ne portaient que sur un seul sujet, qui pouvait nous faire fantasmer, tout comme nous mettre en état de déchéance, comme ce jour, ou Cristina est partie, et que j’ai réalisé qu’il ne restait encore qu’une seule journée avant que tout le monde quitte à son tour la ville pour regagner leur pays respectifs. Quel choc. Comment avais-je pu croire que ce séjour durerait à jamais ?
Pour fêter la fin du programme intensif, les professeurs organisèrent une remise du certificat. Beaucoup d’applaudissements, de photos, de sourires. Ce soir ci, je m’étais définitivement rendu à l’évidence que le lendemain matin, Dimitri, Guillaume et moi, nous serions les seuls rescapés du bateau Jugendherberge. Je n’avais plus de motivation, que ce soit physiques ou spirituelles. J’étais inconsolable. Les bières que je vidais ne me soulaient même pas. Je décidai donc d’aller m’assoupir sur mon lit, en repensant aux bon moments de ce séjour, n’ayant définitivement pas le cœur à fêter jusqu’au petit matin le départ des lettones, tchèques et espagnoles, la fatigue d’un mois de voyage se faisant ressentir en même temps qu’un énorme flot de remords et de regrets. A ma grande surprise, Paloma vient s’assoir à coté de moi. Dans un ultime acte d’affection, nous entamons un câlin, puis peu à peu, sa respiration se fait plus forte. Ses lèvres frôlent mon visage. On s’embrasse. Plus tard, l’idée me vient de sortir dehors, histoire de profiter une toute dernière fois de l’ambiance de cette ville qui nous avait bercé pendant deux semaines. Main dans la main, nous nous sommes promenés au pied de la cathédrale, en passant par la Grüne Citadelle. Je pouvais sentir qu’elle était heureuse. Seulement, au fond, tous deux savions que ce ne durerait pas. La fin approchait, et il fallait profiter jusqu’au moindre instant. Alors, on s’est posé, dans la neige, moi, bénissant secrètement le fait qu’on se soit rencontrés. Puis de retour à la 406, nous nous sommes endormis, la lumière filtrée par la mince couverture lui donnait l’air d’un ange. La fatigue avait pris le dessus sur nous deux. Dimitri me réveilla, il était encore nuit, mais déjà l’heure de descendre partager un dernier petit-déjeuner puis enfin un dernier baiser avec Paloma, devant son train.
Finalement, je ne sais toujours pas si le bonheur d’avoir pu passer ces magnifiques moments avec elle a réussi à vaincre cet intolérable sentiment de privation qu’a été son départ si soudain. Après ceci, la porte de l’ascenseur s’est ouverte, coupant mon reflet en deux parties, et me laissant apercevoir un long couloir vide, jadis animé par le bruit de chocs virils de bouteilles de vodka venant de la chambre des roumains, par les chansonnettes de Cristina en passant devant la chambre des espagnoles, des cris et exclamations provenant de celle des tchèques et encore les rires s’échappant de la chambre lettone.J’ai passé cette journée ci à dormir de tout mon épuisement, le visage enfoui dans mes bras, dans la nouvelle chambre que l’auberge nous avait assigné. J’avais oublié à quel point il est dur de dire au revoir. Au dessus des nuages crémeux, le soleil contre ma joue, un cocktail à la main, je me promets solennellement de ne plus jamais retourner dans cette ville, car ce ne sera jamais aussi bien. Nie Wieder !